"Je suis étranger dans ma ville" , m'a-t-il écrit... Et c'est à partir de là que tout a commencé. C'est à ce moment là que ça s'est déclenché dans ma petite tête.
"Ma ville?" , me suis-je demandé. Est-ce que je peux comprendre son sentiment? Quelle est ma ville à moi? Est-ce que je me sens aussi étrangère dans ma propre ville à moi?
Je suis revenue quelques années en arrière, les années lycées. C'est pendant cette période là que j'ai commencé à avoir mon indépendance et que j'ai pu comprendre beaucoup de choses.
Je me revois marcher dans les rues de la Médina, découvrir ces yeux posés sur moi, alors que je n'en avais pas l'habitude, écouter des commentaires débiles, des "pssst", des "tu es mignonne", des "c'est quoi ton numéro de téléphone?".
Encore une fois (et j'y reviens toujours), je me dis que ça ne peux pas être vrai. Que ces personnes ne font que passer le temps et ne s'intéressent pas vraiment à moi.
Je me souviens aussi - et très bien même - de ces beaux visages que j'ai pu croiser dans ma ville. Je me souviens, et je n'oublierai jamais, comment je devenais toute rouge lors d'un sourire ou d'un regard volé. Evidemment, on ne s'arrête pas. Non, une fille polie et bien élevée ne parle pas aux inconnus. Pffff... Tant pis, la vie m'a appris à ne plus y croire. Et c'est tant mieux!
Je n'oublierai pas non plus ce milieu que j'ai découvert pendant mon adolescence. Ces jeunes rockeurs vêtus de noir, cette musique qui m'a rendue rebelle, qui m'a fait connaitre une nouvelle langue et qui m'a fait réfléchir.
A l'époque, je passais du SOAD à du Gérard Lenorman. Je criais des mots crus et trash et je chantais l'amour. Je m'enfermais dans ma chambre à écrire .......
je m'éloigne du sujet ...... je ressors à la rue.
Je me vois marcher dans l'avenue Habib Bourguiba, la fameuse avenue située en plein Tunis. Et Dieu seul sait combien de fois j'y ai marché. Des années...
Dans ma tête je me vois petite, à l'école primaire, avec mon père, mon frère et ma soeur, mon cartable sur mon dos, bourré de livres, d'expériences, de rêves... Je me sens si petite dans ce monde que je ne comprends pas. Je tiens la main de mon père et je marche.
Puis je grandis... de taille seulement. Je garde mes rêves, mes expériences, et ce sac bourré de livres. Je ne tiens pas la main de mon père, je capture ses gestes, je mémorise ses phrases. J'apprends.
Encore plus tard, toujours les mêmes rêves, encore plus d'expériences et un sac plus petit. Pas de place pour une tonne de livres. Ils ne m'intéressent pas. Par contre plus de feuilles volantes, plus de dessins, de poèmes et de pensées. J'écris partout où je vais.
Il n'y a plus mon père pour me guider. Je suis seule, avec ma musique pour seul compagnon lorsque les amis ne sont pas là.
J'ai cette image de moi marchant le long de cette avenue le soir, au milieu des lumières tristes de la ville et de la foule qui marche à contre-sens. Je me réchauffe en glissant ma tête dans mon écharpe. Je chantonne des chansons qui me touchent. J'observe...
Ma ville, c'est ma vie. Là est la réponse. Aujourd'hui encore je marche dans cette même rue et il m'arrive même de croiser des têtes que j'ai croisé à plusieurs reprises, que je vois grandir tout comme il m'est arrivé à moi. Et je me dis que je dois beaucoup à cette petite ville...
Aujourd'hui encore j'y marche, toujours en chantonnant secrètement les mêmes chansons d'autrefois. Et je souris...